L’IA va-t-elle sauver le monde ? Retour sur la Maddy Keynote | MKIA 2025
Emplois, créativité, écologie… L’IA est partout et bouleverse nos pratiques, mais concrètement quels sont ses impacts ?
La Maddy Keynote est un événement annuel organisé par le média Maddyness qui regroupe de nombreux acteurs de la tech’, de l’innovation et de la finance. L’édition 2025 était organisée sur le thème (sans trop de surprise.) de l’Intelligence Artificielle. Elle représentait donc un lieu idéal pour porter le débat de l’utilisation et des impacts de l’IA. C’est d’ailleurs tout le concept de Change My Mind, un corner animé par Loïc Quénault, directeur de la communication chez Pixelis, qui incarne un techno-solutionniste aussi naïf que pushy ! Sur toute la journée, c’est une vingtaine de débats qui se sont enchaînés et nous avons eu l’occasion, avec les participants de la Maddy Keynote, d’aborder les nombreux aspects de l’IA ainsi que ses impacts. Mais par où commencer…?

Le grand remplacement du travailleur ?
Le sujet qui revient le plus, surtout dans un événement professionnel, est certainement l’impact sur l’emploi, et pour cause : en Europe c’est 300 millions de salariés menacés (5 millions qui disparaîtront) selon une étude Goldman Sachs de 2024, et pour les métiers qui ne disparaissent pas, c’est en moyenne 30% des tâches quotidiennes qui seront transformées par l’IA, selon cette fois une étude du cabinet McKinsey.
Alors on peut se dire : “Mais ça nous libère un temps de dingue pour faire des choses qui ont plus de sens !”. C’est vrai… On peut aussi se raccrocher à des théories économiques comme celle de la destruction créatrice de Joseph Schumpeter qui nous explique (en 1942 dans son livre Capitalisme, Socialisme et Démocratie) que toutes les innovations à court terme challengent les entreprises et leurs modèles, les déstabilisent (par exemple par la destruction d’emplois comme dans notre cas) pour au final, sur le long terme, renouveler les modèles, créer de la valeur nouvelle et donc de la croissance économique. C’est vrai… Mais il faut surtout se demander si cette dynamique, cette valeur, touchera de manière hétérogène les salariés ? Comment allons-nous gérer tous ces emplois “périmés” et ces talents déqualifiés ? Comment va-t-on les revaloriser ? Car il est assez certain que ce renouvellement du marché ne sera créateur de valeur et d’emploi que pour les personnes correctement qualifiées et formées. Les institutions et les entreprises sont-elles prêtes à piloter une conduite du changement sur le long terme, consciencieuse et inclusive ?
Baisse de la créativité et uniformisation
Deuxième sujet qui est beaucoup revenu, surtout avec tous les providers d’agents AI qui produisent du contenu, des résumés, voire de l’image : l’uniformisation. Quelles menaces pour tous les contenus qui demandent un minimum de créativité, “une patte” ! Aparté : c’est une question que l’on s’est évidemment posée en tant qu’agence créative dès le début de l’IA générative. Doit-on avoir peur de l’uniformisation, de la normalisation de la pensée et de la créativité ? Comment utiliser créativement l’IA générative ?
Il suffit de faire un rapide tour sur LinkedIn pour voir les mêmes accroches et tournures de phrases dans les postes, les mêmes visuels Studio Ghibli et autres starter packs. Alors oui, l’utilisation peu poussée et peu entraînée de l’IA engendre une uniformisation des production de contenus. Cependant, en allant au-delà de ce plafond de verre que génèrent les tendances, l’IA générative devient un outil puissant de créativité (pouvant aider à générer une campagne de communication puissante, sensuelle et inclusive comme ici : https://www.pixelis.com/projets/decouvrez-vous/), et donc un assistant efficace qui écoute, qui trie, qui résume, qui génère… Mais comme tout outil, sans mains expérimentées pour le guider, le travail sera sans âme, similaire à beaucoup d’autres.
3… 2… 1… Impact écologique !
On ne peut pas parler des impacts de l’IA et surtout de l’IA générative, sans parler des impacts écologiques. Premier point important à évoquer : c’est un secteur dont l’impact écologique est très exposé et critiqué, ce qui est une bonne chose. Ceci étant dit, sommes-nous en train d’endiguer les impacts écologiques de cette technologie en pleine explosion ? Pas vraiment !
Pour se donner un ordre d’idées, selon l’agence internationale de l’énergie, en 2026, si les utilisations de l’IA continuent sur ce rythme effréné, la consommation électrique des centres de données, des cryptomonnaies et de l’IA pourrait passer de 160 TWh (consommation observée en 2022) à 590 TWh, soit une évolution de 268% en 4 ans. Vous n’avez toujours pas l’image ? C’est l’équivalent de la consommation électrique d’un pays comme la Suède par heure (soit la consommation électrique d’un peu plus de 10 millions de personnes par heure). Encore une autre donnée assez parlante, une interaction avec ChatGPT consomme en moyenne 10x plus qu’une requête Google. Le PDG d’OpenAI, Sam Altman a rappelé récemment sur X que la politesse avec Chat GPT avait un impact énergétique important. Alors s’il vous plaît, arrêtons de dire merci à Chat, il ne se vexera pas, promis ! Alors oui on tape sur l’IA alors que les mêmes problématiques se posent sur l’utilisation plus globale du digital, l’impact des trends TikTok, du streaming… Mais l’IA a quelques trucs en plus, ses petits secrets bien à elle : la phase d’entraînement de l’IA est une phase particulièrement coûteuse en énergie, et si on ajoute à cela une source d’énergie carbonée des data centers, l’impact de la matière première pour construire les CPU, des besoins de capacité de calcul et de stockage toujours plus importants, liés à la complexité des demandes et à une utilisation toujours plus croissante et effrénée, au niveau personnel, professionnel et institutionnel… On arrive à un bilan carbone vertigineux, alors que l’IA n’est pas encore déployée de manière massive.

La consommation énergétique croissante entraîne une surchauffe des serveurs, devant être refroidie par air ou par eau, ce qui entraîne des pics de consommation d’eau. Rien que l’entraînement de GPT-3 aurait consommé 700 000 litres d’eau dans les centres de données de Microsoft basés aux États-Unis. Selon l’étude de la Cornell University en 2023, « la demande mondiale en IA devrait représenter 4,2 à 6,6 milliards de mètres cubes d’eau en 2027, soit plus que le prélèvement annuel total d’eau de quatre à six Danemark ou de la moitié du Royaume-Uni ». Cette surconsommation plonge certaines villes en stress hydrique, comme ce fut le cas de Amsterdam lors de la sécheresse de l’été 2022. Oui, oui, Amsterdam aux Pays-Bas !
L’eau est aussi abondamment utilisée dans la fabrication des composants électroniques utiles à l’IA. Selon une étude du Centre pour l’Innovation Technologique, pour fabriquer une seule puce de 22 nanomètres (utilisée dans des systèmes d’IA avancés), il faut environ 2 000 à 3 000 litres d’eau. À l’échelle mondiale, les fabricants de semi-conducteurs peuvent consommer près de 100 milliards de litres d’eau par an, uniquement pour la production de puces.
Bien que de nouvelles technologies de refroidissement moins consommatrices d’eau se développent comme le refroidissement direct sur puce (Direct-to-Chip) et le refroidissement par échange thermique de la porte arrière (Rear Door Coolers-RDC), le déploiement des serveurs face aux besoins de stockage et de calcul toujours croissant pose et posera toujours des problèmes climatiques mais pose aussi des conflits d’usage. Ces conflits d’usage dans la tech’ ne sont pas nouveaux, et le développement du streaming en Europe depuis 10 ans demande déjà d’importantes ressources. À l’hiver 2022, suite aux restrictions demandées par les États en Europe, l’adage (et la blague, pas si anodine) “eating, hiting or streaming” faisait son apparition sur la toile. Les conflits liés aux serveurs sont aussi observés en France, comme en 2012 à Marseille, le choix de développer de nouveaux data centers au détriment de l’électrification du réseau de bus ou l’électrification des quais au Grand Port Maritime, conflits qui se poursuivent encore aujourd’hui. À cela s’ajoute un enjeu pour le foncier quand un bâtiment est dédié à accueillir des puces et des processeurs, plutôt que des habitants ou des travailleurs.
Ctrl + Alt + Supp sur l’IA ?
Que doit-on faire ? Doit-on avoir peur de l’IA ? Doit-on ralentir son développement ?
Comme la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle et la récente révolution numérique, il ne faut pas subir les avancées technologiques mais bien les accompagner, les réguler et en tirer les meilleurs bénéfices tout en limitant leurs impacts écologiques et sociétaux.
Le bon usage et dosage de l’IA doit donc être au cœur de notre réflexion et de notre combat en tant qu’individu, qu’employé, que citoyen. L’utilisation de l’IA dans nos métiers et notre quotidien ne doit pas remplacer notre esprit critique, notre esprit de création, notre regard d’expert, d’artisan, que l’on soit un étudiant, un designer, un politicien… À chacun de trouver le bon équilibre pour l’utiliser en tant qu’outil et non comme finalité.
Et l’on ne peut conclure cet article sans partager notre dernier débat Change My Mind avec Richard Malterre, CCO de Enchanted Tools, entreprise créatrice du robot Mirokaï, un robot tout droit inspiré d’un conte fantastique et onirique, avec une interaction basée sur des LLM (de Open AI à Mistral). Ce robot conversationnel est donc un compagnon aidant et bien qu’il soit encore au stade de prototype, il est développé et en phase de test dans le milieu hospitalier comme l’hôpital Broca ou encore l’Institut de Cancérologie de Montpellier, pour aider le personnel et aussi interagir avec les patients. Peu importe le LLM choisi, Enchanted Tools garantit avec Mirokaï d’avoir un robot aidant, positif et au service des gens, loin des scénarios dystopiques souvent évoqués dans la robotique.
Ainsi, l’IA, dans son développement et son utilisation, se doit d’être au service de la création des nouveaux imaginaires et de futurs positifs, avec une mission principale : améliorer notre quotidien, aider notre créativité, tout ceci au service des humains et plus largement du vivant.